AMOUR (fleuve)

AMOUR (fleuve)

Le fleuve Amour est le premier des organismes fluviaux de la Sibérie pour la longueur du cours (4 354 km), le quatrième pour la surface drainée (1 843 000 km²) et le débit moyen à l’embouchure (11 200 m³/s). Son bassin se partage entre la Mongolie (33 000 km²), la Chine (815 000 km²) et la Russie; celle-ci, qui contrôle l’embouchure, tire le meilleur parti des possibilités économiques offertes par le fleuve. Sur le territoire russe, l’Amour se distingue par son régime, influencé par les pluies de la mousson d’été, par la direction de son cours, excellente voie de pénétration vers le Pacifique, et axe majeur de l’expansion russe; enfin, par son rôle de frontière avec la Chine.

Le bassin

Les branches supérieures du fleuve, la Chilka (197 000 km²) et l’Argoun (169 000 km²), drainent les hauts plateaux, aux lentes ondulations, de la Mongolie nord-orientale et de la Transbaïkalie orientale, parsemés de cuvettes marécageuses qu’entretiennent les pluies d’été. Après la traversée en gorges du Grand Kinghan, commence la section moyenne du cours, dilatée au niveau du plateau Amour-Boureïa et de la plaine de Blagovechtchensk. Le fleuve y reçoit les eaux de la Zéïa (230 000 km², 1 800 m³/s) et de la Boureïa (70 000 km²), avant de s’engager dans un nouveau défilé pour franchir la chaîne du Petit Kinghan. Il pénètre alors dans la plaine de l’Amour inférieur où il est rejoint par le Soungari, long de 2 000 km, qui lui apporte les eaux de la Mandchourie chinoise, puis par l’Oussouri, descendu des monts de Sikhota-Aline. Le fleuve, dont le cours s’oriente alors au nord-est, serpente à travers des terres basses, dont l’altitude n’est déjà plus que de 70 m à 1 000 km de l’embouchure, inondées chaque été, recouvertes d’herbes qui retardent l’écoulement. Des bras se forment, et des lacs que les crues agrandissent se creusent. Se détournant du golfe de Tatarie, l’Amour dessine une dernière boucle vers le nord et, après avoir reçu les eaux de l’Amgoun, vient se terminer par une barre, immergée à 4 m de profondeur, dans un liman du golfe de Sakhaline.

Le régime

Le régime de l’Amour est déterminé par le climat de mousson, très original, de l’Extrême-Orient russe. L’hiver (de novembre à mars) est la saison la moins arrosée: 50 mm dans la plus grande partie du bassin, 100 mm sur les montagnes de la Boureïa et de Sikhota-Aline. Les précipitations abondantes se produisent en été, au moment où l’air humide, venu de l’océan Pacifique, attiré par la dépression barométrique sibérienne, déverse de 800 à 1 000 mm sur les chaînes bordières de la mer du Japon, de 400 à 500 mm sur la plaine de l’Amour.

La fonte des neiges ne joue qu’un rôle secondaire dans la formation des hautes eaux. Elle en marque faiblement le début, au mois de mai. Avec l’installation de la mousson d’été, le niveau continue à monter et il atteint sa position la plus haute fin juillet-début août. L’écoulement se morcelle en vagues successives, chaque pluie de grande intensité déterminant une montée rapide des eaux. La conjonction accidentelle de deux de ces vagues, rendue inévitable lorsque la propagation de l’onde est retardée par les vents forts qui remontent la vallée ou par la présence de l’obstacle formé par le barrage des eaux de crue du Soungari ou de l’Oussouri, provoque de larges débordements. La crue peut aussi survenir lorsque des pluies de mousson, particulièrement précoces, hâtent la fonte des neiges et devancent la libération du cours inférieur par les glaces: la vallée est alors envahie par les eaux sur 25 km de largeur en amont de la confluence de l’Oussouri, sur 60 km en aval. Les écarts entre les niveaux des étiages d’hiver et ceux des débits de crue dépassent 10 m (de 0,70-1,20 m à l’étiage à 14 m en crue) et les débits de crue atteignent 110 000 m³/s.

La lenteur de l’écoulement de la partie inférieure du cours, ainsi que la conjonction des débits maximaux et des chaleurs de l’été, rendent compte de la modestie relative de l’écoulement: 5,9 l/s/km² pour une tranche écoulée de 188 mm/an. En raison de la résistance des roches dans la partie supérieure du bassin, les eaux du fleuve restent pures et transparentes, ne se chargeant de boues qu’à la confluence de la Zeïa, du Soungari et de l’Oussouri. L’Amour déverse à l’Océan 13,2 millions de tonnes de dépôts solides et 13,1 millions de tonnes de substances dissoutes par an, ce qui représente l’ablation de 14,1 tonnes de matières par km² de bassin.

Rôle économique

La durée de l’embâcle (151 jours à Khabarovsk, 189 à Nicolaïevsk), aussi longue que sur les fleuves débouchant dans la Baltique, réduit le rôle du fleuve comme moyen de transport. Pourtant, comme il est la seule voie d’accès à de nombreuses bourgades minières et, comme il débouche sur le Pacifique, il véhicule les grains et les produits manufacturés venus de l’ouest, ainsi que le pétrole de Sakhaline.

Les régions bordières du fleuve en Russie groupaient, en 1989, près de 5 millions d’habitants fixés dans la vallée même du fleuve; celui-ci arrose cinq villes de plus de 200 000 habitants: Oulan-Oude, capitale de la république autonome des Bouriates (353 000 hab.), Tchita, chef-lieu de province (366 000 hab.), Blagovetchensk, chef-lieu de la province de l’Amour (206 000 hab.), Khabarovsk, chef-lieu de territoire (601 000 hab.) et Komsomolsk (315 000 hab.). Dans toute la vallée de l’Amour, et particulièrement dans les moyenne et basse vallées, l’agriculture et l’élevage pâtissent de l’humidité excessive, qui n’exclut pas le froid; ces contrées tirent l’essentiel de leurs ressources de la pêche (saumon et esturgeon) et des industries. Les réserves potentielles d’énergie s’élèvent à 45 millions de kW; la première hydrocentrale est en service sur le cours supérieur, en aval de la confluence de l’Amazar et, avec une puissance installée de 1,1 million de kW, elle assure une production annuelle de 5,66 milliards de kWh. Les ressources charbonnières sont également importantes: gisement de lignite à ciel ouvert à Raïtchikhinsk; gisement de houille cokéfiable de Sredni Ourgal. L’extraction de l’or (vallée de la Bourseïa), du plomb et du zinc se développe. Le fleuve est en quelque sorte l’épine dorsale d’une région dont l’importance stratégique en a fait la chose des militaires.

Encyclopédie Universelle. 2012.